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Le Festival la marmite (Fesma), dont la deuxième édition s’est tenue du 26 avril au 7 mai 2023 à Lomé, est un événement majeur pour la valorisation et la vulgarisation des savoirs et savoir-faire liés aux cuisines du Togo. Si plusieurs festivals culinaires ou apparentés ont vu le jour en Afrique ces dernières années, force est de constater qu’ils sont bien nombreux à avoir fait long feu. Parmi les raisons qui peuvent expliquer ces disparitions précoces, il y a sans doute un manque de vision gastrostratégique globale et cohérente.
Les organisateurs de ces rencontres culturelles ne sont pas toujours en mesure de se fixer des objectifs clairs, de mobiliser les intelligences, d’actionner les leviers et d’atteindre des résultats précis. Lesquels résultats ont de véritables répercussions sur les processus décisionnels des consommateurs, des entrepreneurs, des industriels et des gouvernants.
Le thème retenu pour l’édition de cette année est « Cuisine et ODD : repenser la culture, le partage et la consommation des aliments ». Les Objectifs de développement durable (ODD) font généralement référence à une mise en œuvre de politiques mondiales visant à réduire les inégalités sociales, tout en rapprochant les humains où qu’ils soient. Dans cette dynamique d’inclusion, « le partage et la consommation des aliments » est une problématique fondamentale qu’il convient de traiter, quitte à l’aborder sous un angle assez inattendu.
Plaisir de voir, désir de consommer
Les cuisines togolaises sont d’une richesse insoupçonnée. Elles sont, pour le dire en quelques mots, le reflet de la diversité ethnique et écologique du pays. Concrètement, il existe une quarantaine de cuisines au Togo, ce qui correspond plus ou moins au nombre d’ethnies qu’il y a dans le pays. Bien évidemment, plusieurs d’entre elles peuvent avoir des cuisines similaires ou proches, selon qu’elles revendiquent une ascendance commune ou une proximité culturelle. Pour autant, elles restent distinctes. Cette gastrodiversité peut donner lieu in fine à une pluralité de créations gustatives et artistiques dans l’assiette.
En cuisine, lorsqu’on attache une importance à la séduction et à la satisfaction des fins gourmets, le dressage est un aspect qui ne saurait être négligé. Mieux encore, il doit absolument être pris en compte. Cette exigence ou recommandation tient au fait que nous convoquons nos cinq sens quand nous mangeons et buvons. L’organe de la vue intervient souvent en premier lorsque des spécialités nous sont présentées. De fait, le dressage, c’est le plaisir de voir et le désir de consommer.
Une mauvaise présentation peut être un prétexte pour pratiquer une cuisine bashing, dénigrant ainsi une personne, une communauté ou un pays à travers sa cuisine
La présentation des plats est d’autant plus importante que négliger ou omettre cet aspect fait partie des manquements couramment relevés, à tort ou à raison, dans les cuisines africaines en général, et togolaises en particulier. Ainsi, pour certaines personnes avisées, les mets du continent, tels qu’ils sont disposés dans l’assiette, ne donnent pas envie d’être goûtés, encore moins d’être consommés, pour l’unique et simple raison que leurs rendus visuels sont peu invitatifs. En outre, on peut noter qu’une mauvaise présentation peut constituer un prétexte pour des internautes mal intentionnés de pratiquer une cuisine bashing, dénigrant ainsi une personne, une communauté ou un pays à travers sa cuisine.
À l’heure où les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram et Pinterest constituent un outil efficace pour la vitalité, la promotion et la diffusion des cuisines du monde entier, il se dégage, pour un regard averti, une constance stylistique sur presque toutes les photos des spécialités alimentaires et culinaires du Togo qui y sont régulièrement publiées ces dernières années.
Allusion est faite ici à un design culinaire assez caractéristique, qu’on pourrait désormais appeler le Togo bowl. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une signature reconnaissable parmi tant d’autres. Rappelons tout de même qu’un rapprochement peut être fait avec le poke bowl, cette spécialité hawaïenne qui se compose, entre autres, de riz vinaigré, de dés de poisson cru mariné et d’une pluralité de légumes et fruits découpés.
Sifio, koliko et koko
Au pays des pâtes culinaires, des sauces de piment, des frites d’igname ou de bananes plantains, des bouillies de céréales ou de tubercules, des produits carnés ou de la mer et des sauces de légumes feuilles, les « foodistas » ont une façon plutôt particulière de présenter leurs préparations.
On aura, par exemple : « Un plat de sifio, composé d’un bol de pinon, du poisson frit, du shito et une garniture de légumes ; une assiette de kom, pour sa part, sera constituée d’une papillote végétale de pâte culinaire, des morceaux de croupion de dinde, du moyo et des rondelles d’oignon rissolées ; un hors-d’œuvre de koliko, en ce qui le concerne, aura des frites d’igname, des tchitchinga et du nougbagba ; et un bol de koko, enfin, ira avec de la bouillie de sorgho aromatisée, des gawou et du shito. »
À bien y regarder, ces spécialités et bien d’autres encore ont quelque chose en commun : elles sont faites d’une composition d’aliments, souvent en petites quantités, disposés dans une assiette. Cette manière de présenter les plats est typiquement togolaise. De ce point de vue, il serait intéressant de capitaliser cet atout, notamment en le codifiant formellement.
On peut toutefois regretter que les photos postées ne soient généralement pas toujours de bonne qualité. Or, comme nous le savons, le dressage est constitué de deux aspects : la présentation et la représentation. Les foodies, y compris les professionnels des métiers de bouche du Togo, gagneraient à prendre la mesure du rôle élémentaire du design culinaire et de la photographie culinaire dans la conquête des ventres, du cœur et de l’esprit. Pour ce faire, ils pourraient codifier le Togo bowl, et se former à la photographie pour mieux articuler leur soft power culinaire.
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