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En Tunisie, le président Kaïs Saïed se rebelle contre la politique migratoire européenne

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Sur le sujet des migrations irrégulières, rien ne va plus entre la Tunisie et l’Union européenne (UE). En des termes explicites, le président Kaïs Saïed a rejeté les 127 millions d’euros d’aides annoncées le 22 septembre par la Commission européenne, dont 67 millions alloués à un programme d’assistance opérationnelle en matière de migration, en plus d’un appui budgétaire à hauteur de 60 millions d’euros. « La Tunisie […] n’accepte pas la charité ou l’aumône. Notre pays et notre peuple ne veulent pas de sympathie, mais exigent le respect », a déclaré Kaïs Saïed dans un communiqué publié lundi 2 octobre dans la soirée.

« A cet égard, la Tunisie rejette ce qui a été annoncé ces derniers jours par l’Union européenne, non pas à cause du montant dérisoire, car toutes les richesses du monde ne valent pas un grain de notre souveraineté pour notre peuple, mais parce que cette proposition est en contradiction avec le protocole d’accord signé à Tunis », a-t-il souligné, en référence au mémorandum d’entente signé entre les deux parties, en juillet, pour coopérer notamment en matière de lutte contre les migrations irrégulières. Kaïs Saïed avait alors tenu à réaffirmer « la position [de la Tunisie] de ne garder que ses propres frontières ».

Présentée comme un appui à la mise en œuvre de cet accord, l’aide financière a été annoncée dans le cadre d’un « plan en dix points » exposé le 17 septembre à Lampedusa par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, après qu’une dizaine de milliers de migrants y ont débarqué en l’espace de quelques jours en provenance des côtes tunisiennes, situées à moins de 150 km de l’île italienne.

Destiné à aider l’Italie à faire face à cet afflux record de migrants, le plan prévoit notamment d’« étudier les possibilités de développer les missions navales en Méditerranée », un souhait exprimé plus tôt par la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, et qui fait écho au « blocus maritime », une promesse électorale controversée défendue par la dirigeante italienne lors des élections générales de 2022.

En outre, le plan de la Commission européenne évoque « la possibilité d’un arrangement de travail entre la Tunisie et Frontex et d’une task force de coordination au sein d’Europol pour lutter de manière plus ciblée contre le trafic de migrants sur la route migratoire vers Lampedusa via la Tunisie », en plus d’accélérer la fourniture d’équipements et de renforcer « la formation des garde-côtes et des autres services répressifs tunisiens ».

« Mentalité colonialiste »

Sur la même ligne, le président français, Emmanuel Macron, a apporté son soutien à Giorgia Meloni et a indiqué, lors d’une interview diffusée le 24 septembre, vouloir conditionner l’aide budgétaire apportée aux Tunisiens et proposer en échange « d’embarquer des experts, du matériel sur leurs côtes pour démanteler les réseaux de passeurs ». « C’est un partenariat respectueux », a-t-il assuré, rappelant qu’« on a eu en quelques heures plusieurs milliers de migrants qui arrivent à Lampedusa et qui partent tous du port de Sfax », deuxième ville de Tunisie et principal point de départ des candidats à la traversée vers l’Europe.

Dès le lendemain, Kaïs Saïed a informé de sa « décision de reporter la visite que prévoyait une délégation de la Commission européenne en Tunisie à une date ultérieure », chargeant son ministre des affaires étrangères de « notifier la partie européenne », selon un communiqué laconique publié sur sa page Facebook, alors qu’une délégation de fonctionnaires européens était attendue dans la semaine « pour discuter de la mise en œuvre du mémorandum d’entente, en particulier des actions prioritaires », dans le cadre de l’appui financier annoncé. Côté européen, une source diplomatique tente de temporiser en évoquant un simple « problème de calendrier » et une visite qui se fera « très prochainement ».

En Tunisie, la politique migratoire européenne et les propos d’Emmanuel Macron ont été considérés par plusieurs médias, ONG et partis politiques (y compris d’opposition) comme « une atteinte à la souveraineté nationale ».

Le Courant démocrate, dont l’ancien secrétaire général Ghazi Chaouachi est emprisonné depuis plus de six mois – comme une vingtaine d’autres opposants – pour « complot contre la sûreté de l’Etat », a condamné une « déclaration qui reflète une mentalité colonialiste et tutélaire encore présente chez certains dirigeants de la rive nord de la Méditerranée », affirmant que le faible soutien de la France à la transition démocratique post-révolution a « ébranlé notre confiance dans ses intentions de soutenir un partenariat réel basé sur le respect de la souveraineté, le renforcement de la démocratie et le respect des droits de l’homme ».

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Pour le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), une ONG qui suit les questions migratoires en Tunisie, « le président français, sur fond de surenchère et de lutte de pouvoir, pousse les limites de l’approche sécuritaire à son extrême pour contenir le droit de circuler librement », un « procédé qui a mené au sommet du pouvoir l’extrême droite dans une Europe en faillite morale ».

Chasse à l’homme

Plus de deux mois après la signature du mémorandum d’entente visant à accroître le contrôle des frontières au sud de la Méditerranée, les autorités tunisiennes semblent dépassées par un nombre croissant de départs à destination de l’Europe. Après l’afflux record de migrants à Lampedusa mi-septembre, Tunis a intensifié ses opérations à l’encontre des ressortissants subsahariens réfugiés dans le centre historique de Sfax, tout en les rapprochant des localités rurales proches des zones de départs vers l’Europe.

En juillet, au moment des négociations entre l’UE et la Tunisie, des milliers de migrants avaient été expulsés de leurs logements à la suite d’une véritable chasse à l’homme, et déplacés en plein désert aux frontières algérienne et libyenne. L’ONG Human Rights Watch, qui a documenté ces exactions, a appelé la Commission européenne à « cesser d’ignorer les abus commis par la Tunisie à l’encontre de migrants ».

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